Le capitaine Adrien Armand DURAND nait à Sévérac-le Château en 1797. Il devient officier de l’armée impériale sous Napoléon I°, puis royale sous Louis XVIII, Charles X et enfin Louis Philippe I°. Parti en 1823 de Rodez, le capitaine Durand, polytechnicien, spécialisé en géodésie et triangulation, parcourt le sud est de la France avec pour mission de relever le territoire, sous ordre de mission du ministère de la Guerre.
« Monsieur Durand, chargé des opérations géodésiques du premier ordre qui sont relatives à l’exécution de la carte de France et qui pendant la présente année se feront dans les départements ci après : Aveyron, Lozère, Gard, Ardèche, Vaucluse, Drôme, Hautes Alpes, Basses Alpes, partira de Paris le 1° Avril 1823 pour se rendre à Rodez. Il devra être rentré au dépôt de la Guerre le 30 Novembre suivant. Il aura droit à 150 francs par mois pour frais de bureau…..-Signé : le ministre de la Guerre. »
Ce qui semblait pouvoir être mené dans un délai raisonnable, comme le stipule l’ordre de mission du ministre de la guerre, va l’occuper plusieurs années. Dès que revient la belle saison, il arpente les cimes, recrutant des porteurs afin de transporter son lourd matériel, dont un théodolite.
Il part de Rodez, en 1823 donc, visant le Lagast, premier sommet, depuis le clocher de la cathédrale.
En 1828, il entre en Vallouise avec l’intention de recruter deux « guides » afin de le conduire au sommet du Pelvoux. Le choix s’est porté sur ce sommet après qu’il eut envisagé de gravir la Meije qu’il a estimé trop excentrée, puis après avoir écarté la Barre des Ecrins de ses projets car il la jugeait peu propice à l’établissement d’un campement, la construction d’un signal et l’installation du théodolite.
Le capitaine Durand construisait des signaux, immenses cairns creux agrémentés d’ouvertures, au coeur desquels il pouvait à loisir placer le théodolite et viser d’autres sommets. Les cairns servaient de mire, de sommets en sommets, afin d’en déterminer l’altitude par triangulation. C’est ainsi qu’il s’est rendu à la cime de la Pointe dénommée de nos jours «Durand» pour y ériger un signal avec ses guides en 1828.

Il s’est ensuite attaché à déterminer l’altitude précise du signal depuis les sommets alentours
déjà mesurés auparavant; fort de ses relevés, il revient avec ses instruments, des vivres,
en compagnie de ses guides et aidé par des porteurs, en 1830, à la cime de la Pointe Durand.
Du signal dont l’altitude lui est désormais connue, il toise les cimes du coeur du
massif des Ecrins, et établit de manière irréfutable le statut de plus haute cime à la
Barre des Ecrins.
Chose dont il était lui même convaincu depuis qu’il s’était rendu au sommet du
Mont Ventoux quelques années auparavant, par une journée suffisamment claire pour distinguer
les pics enneigés du haut Dauphiné.
Durand, homme d’honneur, dur à la tâche, va ainsi passer plusieurs années de sa vie à son devoir de géodésie, labeur harassant jamais reconnu à sa juste valeur par sa hiérarchie. Il finira épuisé, et s’éteindra en 1835, usé par la folie, sans avoir pu accéder aux grades supérieurs que semblaient lui promettre ses travaux. En effet, ses compte-rendus trop laconiques et factuels n’ont jamais mis en avant son opiniatreté, sa persevérance et les souffrances qu’ont necessité ses travaux.
Durand ne serait donc allé qu’à la Pointe éponyme ! A 3932 m. d’altitude, elle rend 11 m. à la Pointe dite « Puiseux », du nom du troisième ascensionniste, en 1848. En ces époques contemporaines d’un alpinisme balbutiant, le plus haut point du Mont Pelvoux est recouvert de neige en permanence, n’autorisant aucun bivouac confortable, et encore moins la dépose d’un instrument de mesure stable au sein d’une construction de pierre; c’est là l’unique raison du choix de Durand pour la cime rocheuse. Le capitaine Durand n’était pas homme de lettres mais homme de chiffres; il ne s’attardait point en dithyrambes de ses investigations, et de fait les mémoires de ses pérégrinations sont ténues. Aucun cas n’est fait d’une éventuelle ascension du plus haut point. Tout laisse à croire que les journées passées à ses mesures en 1830 lui ont offert le loisir d’aller explorer le culmen situé à 20 minutes du théodolite. Il est interessant de lire le récit de Puiseux qui en 1848 a fait la troisième ascension, auquel on attribue souvent la vraie « première » du point culminant : « J’atteignis sans difficulté la pyramide que le temps n’avait pas trop endommagée.[…] La pyramide a été construite sur ce sommet parce que, sur un petit espace, le rocher y est à découvert; mais à peu de distance se trouve un autre sommet qui, étant un peu plus élevé, doit être regardé comme la véritable cime du Pelvoux ». Dans son propos on devine l’insinuation de la non ascension du point culminant par Durand…mais nulle part il n’est fait mention de l’ascension par Puiseux lui même de ce sommet ! Supposons simplement qu’il parait si évident lorsque l’on est sur ce plateau sommital du Pelvoux, à plus de 3800 m. d’altitude, qu’il faille aller faire un tour au véritable sommet, que ni Durand ni Puiseux n’en ont parlé. Durand s’attarde sur le sommet rocheux car il y a fait toutes ses mesures, Puiseux car il a eu la curiosité de s’y rendre pour voir le signal, la « pyramide », de Durand. Le sommet principal, lui, est incontournable, il ne necessite aucun autre commentaire.
Bibliographie
Durand du Pelvoux, par Roger Canac, De Borée Editions.
Balaitous et Pelvoux, Par Henri Béraldi, Rando Editions.